A LA SANTE DE LA LEGIONTels les vétérans des armées romaines, près d’Aix-en-Provence, une centaine d’anciens de la Légion Etrangère se sont reconvertis dans l'agriculture. Plus précisément, dans la viticulture. Le doyen de ces vignerons pas comme les autres a 92 ans et, pour lui comme pour les plus jeunes, le vin est une thérapie.
A l’entrée du château, il n’y a pas de barrière, pas de barbelés non plus, et encore moins de planton. Le Domaine "Capitaine Danjou" appartient bien à la Légion Etrangère, mais on ne s’y s'entraîne pas pour la guerre. On y fait plutôt du vin. Et du bon.
L’unique sentinelle est un perroquet vert répondant au nom de Coco. Symboliquement, il surveille les 115 anciens légionnaires venus ici terminer leur vie.
Les plus vaillants rechaussent tous les jours les rangers pour travailler à la vigne. Il y a du travail pour tout le monde car le domaine possède quarante hectares cultivés. La récolte 2001 était si bonne que le commandant Hensinger, directeur des lieux, a réquisitionné des jeunes soldats pour aider les vétérans à vendanger 256 tonnes de raisin.
Effors solidaire« L’été, explique le commandant Hensinger, ils commencent à six heures du matin et travaillent jusqu’à midi avec au milieu la célèbre pause casse-croûte du légionnaire. L’après-midi, on les laisse se reposer. »
Quand on a fait l’Indochine, l’Algérie ou la guerre du Golfe, on peut rêver d’une retraite plus tranquille. Mais ces pensionnaires n’ont pas vraiment choisi. « Sans le domaine, certains seraient sous les ponts, raconte Eddie, le cuisinier de la maison. On voit ici d’anciens alcooliques, c’est le comble pour une propriété viticole. »
Mais au Domaine Danjou, ces accidentés de la vie travaillent la vigne comme de vrais professionnels, sous l’œil expert d’un ancien chef de section d’un régiment de parachutistes.
Des raisins vendangés à la main...Agé de 59 ans, Guy Girard dirige les opérations depuis dix ans. Au départ, son expérience viticole se limitait à son état civil : né à Bandol (Var). « J’ai acheté la documentation d’un BTS d’œnologie, raconte l’ancien para. J’ai potassé ça en quelques semaines et ça a marché ! C’est pas compliqué, il suffit juste d’avoir un peu de bon sens et beaucoup d’huile de coude. »
Guy Girard sait aussi que le métier exige aussi une grande dose de patience. « Nos retraités n’ont pas envie de travailler tous les jours, précise-t-il. Il faut souvent les motiver. »
Chaque jour, du matin au soir, tout ce petit monde bichonne donc les 160 000 pieds de vigne du domaine où on ne connaît pas les machines automatiques pour vendanger : « A la guerre comme à la guerre ! »
Un vin décoréOfficiellement, la Légion n’a pas le droit de vendre en dehors de la propriété les 280 000 bouteilles de sa production annuelle.
Ce rosé a remporté en 2001 la médaille d’Or du concours agricole. Mais vous ne le trouverez nulle part ailleurs que dans la Légion. « Comme l’a dit un jour le général à la tête de la Légion, se souvient le commandant Hensinger, "je ne suis pas un pinardier !" » Reçu !