Karl Dönitz (16 septembre 1891 à Berlin-Grünau - 24 décembre 1980 à Aumühle, Schleswig-Holstein) est un amiral allemand, que Adolf Hitler désigna par testament comme son successeur à la tête du Troisième Reich.
Karl Dönitz est honoré du titre de grand-amiral dans l'Allemagne nazie, bien qu'il n'ait jamais adhéré formellement au parti nazi. Il sert comme commandant en chef des sous-marins (Befehlshaber der Unterseeboote) de la Kriegsmarine pendant la Seconde Guerre mondiale. Sous son commandement, la flotte des U-boote participe à la bataille de l'Atlantique, en essayant notamment de priver le Royaume-Uni des approvisionnements indispensables des États-Unis et d'ailleurs. Il devient enfin pendant vingt jours président du Reich dans le gouvernement de Flensbourg, après le suicide d'Adolf Hitler et conformément au testament politique de ce dernier.
Après la guerre, il est condamné lors du procès de Nuremberg pour crimes de guerre et paye de dix ans de prison sa participation à la guerre sous-marine illimitée menée par l'Allemagne.
Première Guerre mondiale [modifier]
Jeune officier pendant la Première Guerre mondiale, il sert sur le croiseur SMS Breslau en Méditerranée. À partir de 1916, il passe quelques mois à bord du U-39 au sein duquel il effectue 5 patrouilles entre janvier et décembre 1917. Il prend ensuite le commandement du UC-25 avec lequel il effectue 2 patrouilles entre mars et septembre 1918 et coule 4 navires.
Le 5 septembre 1918, il est nommé commandant du UB-68, qui est coulé le 4 octobre 1918.
La guerre terminée, Dönitz reste prisonnier de guerre chez les Anglais jusqu'à sa libération en juillet 1919. Il retourne en Allemagne vers 1920.
Dans l'Entre-deux-guerres, un partisan des flottes de sous-marins
Avant le second conflit mondial, Karl Dönitz insista pour convertir la flotte de surface presque entièrement en une grande flotte de sous-marins. Il défendit la stratégie de n'attaquer que la marine marchande, cible moins dangereuse que les grandes flottes cuirassées de l'Empire Britannique. Il mit en avant que la destruction de la flotte de pétroliers priverait la Royal Navy de son carburant pour opérer ses navires, ce qui serait au final aussi efficace que de les couler.
L'adversaire de l'Empire Britannique, aux ordres du grand-amiral Raeder
Au début de la Seconde Guerre mondiale, quand le Royaume-Uni de Winston Churchill se trouva seul face à l'Axe, Dönitz calcula que s'il coulait 500 000 tonnes de navires marchands britanniques, le Royaume-Uni ne pourrait tenir bien longtemps vu qu'il ne pouvait fabriquer que 1 500 000 tonnes de navires par an et que Roosevelt avait déjà fourni à Churchill plus de 50 destroyers jugés démodés par le Congrès. Les destroyers étaient bien les adversaires des sous-marins que craignait l'amiral, car ils se moderniseraient vite et limiteraient progressivement l'efficacité des U-boote.
Malgré l'entrée en guerre des États-Unis, Dönitz continua de détruire une bonne partie des convois de l'Atlantique car ceux-ci étaient mal protégés. Plusieurs U-Boote patrouillèrent même près de la Floride et coulèrent un Liberty ship devant des milliers de baigneurs près d'une plage. Il affirma qu'avec une flotte de 300 des nouveaux U-boote type VII, l'Allemagne mettrait le Royaume-Uni « sur la touche ».
Afin de neutraliser et accabler les vaisseaux d'escorte, les destroyers de plus en plus redoutables, soutenus par l'aviation embarquée sur les porte-avions, il imagina une nouvelle tactique, l'attaque groupée en meute.
À l'époque beaucoup pensaient, en Allemagne, que cette stratégie était une marque de faiblesse, y compris son supérieur hiérarchique, le grand amiral Erich Raeder. Les deux s'opposèrent constamment pour les priorités budgétaires. Raeder avait pourtant une attitude assez pessimiste ; il ne croyait pas, par exemple, que les cuirassés, navires de prestige, étaient vraiment utiles vu leur faible nombre comparativement avec la flotte britannique. Il aurait notamment déclaré que tout ce que les cuirassés pouvaient faire étaient de mourir vaillamment. Dönitz n'avait pas un tel fatalisme, car il pensait que l'attaque des convois de munitions et de pétrole en route vers Mourmansk au large de l'Île aux Ours et le cap Nord serait une opportunité à saisir pour les grands navires de surface basés dans les fjords de Norvège.
Karl Dönitz en 1943.
Le commandant en chef de la marine de guerre allemande de 1943 à 1945
Le 30 janvier 1943, Dönitz remplace Raeder comme Oberbefehlshaber der Kriegsmarine, commandant en chef de la Kriegsmarine, et, à la tête de l'Oberkommando der Marine, le haut commandement de la marine allemande, devient Grand Amiral.
En 1943, la guerre de l'Atlantique prit un tournant défavorable, les Allemands accumulant les pertes de sous-marins et d'équipages. Dönitz continuait cependant à pousser à la construction d'U-boot et à la poursuite des améliorations techniques. À la fin de la guerre, la flotte allemande de sous-marins était de loin la plus avancée du monde et les modèles Unterseeboot type XXI servirent de modèle pour les sous-marins soviétiques et américains d'après-guerre.
Son propre fils, lieutenant dans le U-Boot 954, est mort pendant la bataille de l'Atlantique.
Le successeur choisi par Hitler (du 1er au 23 mai 1945)
Karl Dönitz saluant Adolf Hitler dans son bunker, en 1945.
Dans son testament final du 30 avril 1945, Hitler choisit Dönitz comme son successeur en tant que chef de l'État et président du Reich (bien que le poste soit aboli depuis des années au profit de celui de Führer), montrant à quel point il était devenu suspicieux à l'encontre de Göring et Himmler. Dönitz dirigea alors un éphémère gouvernement provisoire connu sous le nom de gouvernement de Flensbourg.
Dönitz consacre son énergie à ce que les troupes allemandes se rendent aux Alliés occidentaux et non aux soviétiques, dans l'espoir de donner à l'armée allemande une place importante dans le futur affrontement entre l'Occident et l'URSS qu'à l'instar d'Hitler, il espérait. Le 5 mai, il fait capituler les armées de l'Ouest à Lüneburg devant les forces du général Montgomery, mais ruinant ses espoirs de paix séparée, les Alliés n'en continuent pas moins d'exiger une capitulation globale et inconditionnelle. À contre-cœur, Dönitz envoie le général Jodl la signer à Reims le 7 mai, acte confirmé le lendemain à Berlin par le chef du Haut commandement de la Wehrmacht, le maréchal Keitel.
Pendant les huit jours précédant la capitulation, Dönitz emploie la marine à évacuer le maximum de réfugiés allemands fuyant l'avancée de l'Armée rouge. Il fait aussi en sorte que le maximum de soldats soient ramenés vers le front occidental, afin qu'ils tombent entre les mains des Anglo-Américains plutôt que des Soviétiques : cette tactique permit de ne laisser aux mains de l'Armée Rouge que le tiers du total des prisonniers allemands, alors que le front de l'Est mobilisait depuis 1941 l'écrasante majorité des forces du Reich[1].
Mais dans le même temps, Dönitz ordonne aux tribunaux militaires et aux commandos de la marine d'exécuter sommairement les jeunes soldats allemands qui osent déserter un combat sans espoir, dans la lignée des pendaisons de civils défaillants pratiquées par les SS au cours des récentes batailles de rues de Vienne et Berlin.
S'il finit par révoquer officiellement Himmler (qui s'efforçait de négocier une reddition en son nom propre) le 5 mai, il ne dissout ni les SS ni le NSDAP. Les portraits de Hitler restent accrochés aux murs du gouvernement de Flensburg jusqu'à sa dissolution le 23 mai, et le salut nazi reste en vigueur sauf dans l'armée. Quelques jours après la capitulation, pour sauver l'existence du gouvernement de Flensburg, Dönitz publie un communiqué exprimant son horreur des camps de concentration, mais rejetant les fautes du régime hitlérien sur les seuls SS, et lavant les forces militaires traditionnelles de toute complicité. En réalité, ces dernières s'étaient rendues également coupables de nombreux crimes tout au long de la guerre.
Le 23 mai, Dönitz est finalement arrêté en même temps que ses ministres Alfred Jodl et Albert Speer. La dissolution de son gouvernement met un point final à l'existence du IIIe Reich. Le pays ne devait renaître en tant qu'État (divisé) qu'en 1949.
Vues idéologiques
Nombreux témoignages à l'appui, Guido Knopp, dans son documentaire sur Dönitz (1996), deuxième épisode de la série consacrée aux Complices de Hitler (Grancher, 1999), brosse de l'amiral un portrait sensiblement éloigné de celui de l'honnête soldat apolitique que ce dernier se complaisait à tracer de lui-même après la guerre.
Apparaît en fait un homme indiscutablement raciste et antisémite, qui nourrissait une véritable phobie à l'encontre des partis politiques et de la démocratie de Weimar. Très intelligent et excellent organisateur, il n'en était pas moins un admirateur inconditionnel de Hitler, qu'il a considéré jusqu'à la fin comme un homme d'État exceptionnel. Il a prêché pendant tout le IIIe Reich une fidélité fanatique au Führer, et s'est déclaré convaincu, même des années après la défaite finale, que ce dernier avait sauvé l’existence de l’Allemagne.
Jusqu’au-boutiste sans état d’âme, il a envoyé jusqu'au dernier jour des troupes à la mort ; responsable de crimes de guerre pendant la guerre sous-marine contre les Alliés, il fait encore abattre en mai 1945 de nombreux jeunes déserteurs par les commandos de sa marine, qui accomplissent cette tâche avec non moins de zèle que les SS, alors même que le conflit est à l'évidence perdu. Au procès de Nuremberg, il se dira toujours convaincu que les camps de concentration étaient seulement peuplés de criminels de droit commun, ou au moins de seuls communistes.
Selon le témoignage de son codétenu Albert Speer, en 1955, au moment d'être libéré de la prison de Spandau, il n'avait de pensée que pour sa carrière militaire brisée. Indigné de son insensibilité et de son indifférence aux dizaines de millions de morts de la guerre provoquée par le Reich, Speer lui reprocha de ne manifester ni regrets ni remise en question personnelle après avoir servi un régime criminel.
Göring avait confirmé au cours du procès que d'amiral compétent, Dönitz était vraiment devenu un nazi de cœur, même sans adhérer au NSDAP, et que sans cette adhésion idéologique de fait, jamais il n'aurait gardé son poste, ni pu être désigné comme le successeur du Führer en personne.
Procès
Fiche de détention de Karl Dönitz après son arrestation par les Américains
Dönitz fut mis en accusation comme criminel de guerre lors des procès de Nuremberg. Contrairement à beaucoup, il ne fut pas mis en cause pour crime contre l'humanité. La charge principale était l'ordre qu'il avait donné de ne pas secourir les naufragés.
Pour sa défense, Dönitz produisit notamment une lettre officielle de l'amiral Chester Nimitz qui affirmait que les États-Unis avaient utilisé la même consigne et en particulier lorsque la sécurité des sous-marins était en cause. Malgré tout, le tribunal le jugea coupable de « crimes contre la paix » et de crimes de guerre pour lesquels il fut condamné, et fit dix ans à la prison de Spandau.
Ses mémoires, intitulés Dix ans et vingt jours furent publiés en Allemagne en 1958. Il fit tous ses efforts pour répondre aux questions que ses collègues lui posaient au fil des années.
Karl Dönitz décède d'une attaque cardiaque le 24 décembre 1980, à Aumühle. Étant le dernier officier allemand avec le grade de Grand Amiral, il est honoré par de nombreux anciens militaires et officiers de marine étrangers qui assistent à ses funérailles, le 6 janvier 1981.