INDEMNISATIONS. « Nous devons reconnaître les victimes d’essais nucléaires »Hervé Morin, ministre de la Défense, déposera en janvier un projet
de loi qui permettra d’indemniser les 100 000 militaires du contingent,
les personnels civils de l’armée et les populations d’Algérie et de
Polynésie qui ont été irradiés lors des essais nucléaires.
Ce fut longtemps un sujet tabou.
Jusqu’en 2006, l’Etat français a refusé de reconnaître que les essais
nucléaires effectués dans le Sahara algérien puis en Polynésie entre
1960 et 1996 avaient eu une incidence sur la santé de 100 000
militaires du contingent, de personnel civil, ainsi que sur les
populations d’Algérie et de Polynésie, lieux des essais. Hervé Morin,
ministre de la Défense, fait aujourd’hui un pas important vers la
reconnaissance des « irradiés de la République ». En janvier, il
annoncera un projet de loi relatif à l’indemnisation de ces victimes.
Il en annonce les principales mesures.
En quoi consiste ce projet de loi ?
Hervé Morin. Si ce projet est voté à l’Assemblée au
premier trimestre 2009, nous accorderons des indemnisations pour les
personnels civils et militaires exposés lors des essais nucléaires.
Nous avons arrêté une liste de maladies liées aux effets de la
radioactivité. Le ministère de la Défense a conservé dans ses archives
les mesures de radioactivité recueillies à l’époque sur les différents
sites, ainsi que les noms des personnels. Nous allons donc introduire
dans le décret d’application un seuil d’exposition à partir duquel les
demandes d’indemnisation seront prises en compte.
Pour être indemnisés, les vétérans devaient jusqu’ici passer devant la justice, sera-ce encore le cas ?Non. Conformément à la ligne de conduite que j’ai fixée, le ministère
de la Défense ne fera plus appel des décisions de justice qui lui
étaient défavorables lorsqu’une personne obtenait des indemnisations
devant le tribunal des pensions.
Ces indemnisations concernent-elles tous les vétérans des essais nucléaires ?Non. Nous pourrons refuser l’indemnisation dans le cas de maladies dont
la cause est liée à d’autres risques, comme le tabac ou l’alcool. Nous
voulons poser le principe d’un droit à l’indemnisation des victimes
mais seulement pour celles qui ont été exposées lors des essais. Il
existe un numéro vert pour obtenir les informations utiles à
l’établissement des dossiers d’indemnisation*.
« Presque tous les Etats l’ont fait »
Qu’en est-il des populations locales également exposées aux radiations ?Nous avons créé à Tahiti en 2007 un centre médical de suivi. Les
anciens travailleurs polynésiens des sites d’expérimentation et les
populations des îles et des atolls voisins peuvent consulter un médecin
militaire pour un bilan médical individuel. Ils seront également pris
en compte par ce projet de loi.
Pourquoi l’Etat a-t-il mis autant de temps à reconnaître sa responsabilité ?Le nucléaire a une place particulière en France. Depuis cinquante ans,
notre pays a fait preuve d’une volonté sans faille dans son programme
nucléaire en mettant au point son propre système de dissuasion. Quand
je suis arrivé à ce ministère, j’ai été dubitatif sur la réponse de
l’Etat apportée aux éventuelles victimes des essais nucléaires. Nous
devons reconnaître aujourd’hui ces victimes. Presque tous les Etats
l’ont fait. La France ne doit pas déroger à cette règle.
La France est-elle prête à lever le secret-défense dans le cadre de l’enquête judiciaire sur ces essais nucléaires ?J’ai un principe très simple. Lorsque la justice me demande de lever ce
secret-défense, je suis l’avis de la commission du Secret de la Défense
nationale.