sauf erreur ce serait une photo en rapport avec la 2ème expédition de Madagascar
et ou celle ci fut annexée et à laquelle la légion participa en 1895
[size=32]La Légion Etrangère pendant la campagne de Madagascar 1895 – 1896[/size]
Marcel P. Baldet (extrait du bulletin 6 – novembre 1963 – S.C.F.H.)
En dépit du traité qui avait établi en 1895 notre protectorat sur la Grande Ile, le gouvernement Hova s’était systématiquement dérobé à ses obligations, et la France se trouva dans la nécessité d’intervenir militairement, en 1895, à la fois pour y affirmer ses droits et pour protéger ses ressortissants, en butte à des attentats incessants,
En janvier 1895, le ministre de la Guerre décide la constitution d’un régiment d’Infanterie à trois bataillons, fourni par le XIXe Corps, qui prendra le nom de » Régiment d’Algérie « .
Le premier bataillon est formé par la réunion de deux compagnies du 1″ Régiment Etranger, et de deux compagnies du 2e Etranger, commandant Barre.
Le second bataillon est formé également par la réunion de deux compagnies du 1″ Régiment de Tirailleurs Algériens, et de deux compagnies du 2e R.T.A., commandant Lentonnet.
Le troisième bataillon est l’ancien 2e bataillon du 3e Régiment de Tirailleurs Algériens, commandant Debron.
Le régiment d’Algérie est placé sous le commandement du colonel Emile Oudri, qui est depuis deux années à la tête du 2e Régiment Etranger. Chef de corps particulièrement estimé par le haut commandement, toute sa carrière s’est déroulée aux colonies : Algérie, Tunisie, Territoires du Sud, Tonkin, Annam; ses légionnaires l’appellent » le père Oudri « , et ne jurent que par lui. Pour les tirailleurs, dont il parle couramment la langue, il est » le colonel bono-bésef « .
C’est dans les pages manuscrites de son » Journal de Marches et d’Opérations » – d’autant plus précieuses que l’exemplaire du ministère de la Guerre a disparu – que nous allons suivre la Légion au cours d’une campagne qui compte parmi les plus pénibles qu’elle ait connue, sous un climat meurtrier.
Le 3e bataillon du Régiment d’Algérie embarque le 5 février à Philippeville sur le » Shamrock « , avec le général Metzinger commandant la première brigade. Débarqué le 28 du même mois à Majunga, il aura l’honneur de fournir l’avant-garde du Corps Expéditionnaire.
Le 22 mars, le colonel accompagné d’une députation de son régiment se rend à Sathonay, près de Lyon, où il reçoit son drapeau des mains du Président de la République le 28. De retour à Alger, l’Etat-major du régiment embarque le 1er avril sur le » Cachemire « , avec le 2e
bataillon. Le premier bataillon (Légion) quitte Oran le 4 avril, sur le » Liban » et arrivera à Majunga le 28 avril.
L’effectif de guerre des compagnies est de deux cents hommes. La tenue prescrite pour la Légion est sensiblement celle de l’Infanterie de Marine : paletot de molleton bleu et pantalons de flanelle de même couleur, collet à capuchon, paletot de toile cachou et pantalons de treillis, casque colonial timbré de la grenade de cuivre (le casque a été arboré dès la Mer Rouge).
Les officiers portent la vareuse et le pantalon de flanelle anglaise bleu de roi, avec au collet la grenade d’or sur écusson garance, et la tenue de toile cachou (ou blanche) avec, bien entendu le casque colonial.
Le 1er mai, toutes les troupes étant réunies à Miadana forment une colonne qui traverse non sans peine les marais, puis se scinde en deux le lendemain pour attaquer et enlever Maroway, après un bref duel d’artillerie.
La progression reprend, lente et difficile à travers des marécages où les hommes enfoncent jusqu’aux genoux, portant à bras les petits canons de marine, les caisses de munitions et les vivres, outre un » barda » excessif. Il faut se mettre en route dès deux heures du matin, pour éviter la chaleur et les moustiques, la colonne se déployant et manœuvrant pour déloger, de crête en crête les éléments hovas qui décrochent aussitôt attaqués.
Faute de chemins ou de pistes, la colonne doit suivre le lit des ruisseaux, et s’allonge démesurément. Le soir, un brouillard moite s’élève des rizières, qui sent l’humidité et la fièvre; les moustiques et les fourmis rouges meublent les nuits sans sommeil…
Puis c’est la steppe aride, alternant avec de grands plateaux dénudés, au sol pierreux, et les plaines de la Betsiboka, aux sables brûlants, qui recouvrent visages et uniformes d’une carapace de poussière rouge-brique.
Une canonnière remonte la Bestiboka, remorquant une péniche de vivres; des corvées considérables sont fournies pour abattre des arbres et construire des ponts en vue du franchissement du fleuve, large de 450 mètres, profond de deux mètres,, et dont le courant rapide est infesté de caïmans. La Bestiboka est passée de vive force le 6 juin, avec l’appui des canons-revolver d’une canonnière.
Les troupes rassemblées sont constituées en deux colonnes pour enlever la ville de Mevatanana, solidement occupée par les Hovas; ils en sont délogés le 9 juin.
Plus de cent kilomètres ont été franchis depuis Majunga, mais déjà les vivres font défaut : il faut chasser et battre la brousse pour se nourrir. Les fameuses » voitures Lefèvre » (il en est venu 5.000 de France) attelées de mulets, ne peuvent suivre, faute de route !
A la date du 12 juin, on lit sur le » Journal de Marches » : commencement des travaux de route « … et trois mois durant, on retrouve à chaque page la monotone mention : travaux. Ceux-ci ont dû être entrepris avec les outils portatifs des fantassins; les outils de parc du génie n’arriveront qu’à la fin du mois. Les légionnaires les ont baptisés » fusil Modèle 1895 » – car ils ne quittent leur fusil que pour reprendre pelles et pioches.
Partout le terrain est plat, envahi par de hautes herbes propices aux embuscades, qui obligent les détachements de travailleurs à se garder étroitement, harcelés sans cesse par des bandes hovas.
Les bivouacs se déplacent lentement, au fur et à mesure de la progression des travaux. Les légionnaires doivent assumer, outre la tâche qui leur a été assignée, celle fixée au 40e bataillon de Chasseurs, qui est pratiquement détruit par les fièvres.
Le 24 août, un vent violent et glacial arrache les tentes, renverse les gourbis, et achève de fatiguer les hommes, en leur interdisant tout sommeil. Le bataillon de la Légion quitte son bivouac, et se porte en avant, en direction d’Andriba, que les Hovas ne tarderont pas à abandonner, en dépit des travaux de défense et des batteries d’artillerie dont la place était garnie.
La pénurie de vêtements, de souliers est extrême, et les maigres distributions qui sont faites ne suffisent pas à rééquiper les hommes, de plus en plus démunis.
Le 3 septembre, le régiment d’Algérie se trouve réuni en entier au camp de la » Pierre Levée « . Les travaux de route sont terminés, mais les effectifs ont fondu dans des proportions considérables : le bataillon de la Légion, qui comptait au départ 818 hommes de troupe, est réduit à 458 pour ses quatre compagnes
Le général Duchène, commandant en chef le Corps Expéditionnaire décide d’en terminer, en montant au départ d’Andriba une colonne légère qu’il lancera sur Tananarive.
Officiers et hommes de troupe sont examinés par les médecins de bataillon, afin d’éliminer les éléments physiquement inaptes à l’effort considérable qui va être demandé à une troupe déjà fort affaiblie par la dure campagne des mois précédents. Il faudra en effet effectuer, en combattant, deux cents kilomètres avec un lourd chargement; les hommes emportent dans le sac quatre jours de vivres, cent quarante cartouches en sus de leur matériel individuel.
Pour sa part, le Régiment d’Algérie est en mesure d’aligner 54 officiers et 1.395 hommes de troupe – dont 17 officiers et 452 hommes pour le bataillon de la Légion. Celui-ci reçoit à la veille du départ un renfort de 3 officiers et 141 hommes mis en route le 3 août d’Alger par le 2e Etranger. Le convoi de la colonne légère emporte 18 jours de vivres et d’orge sur les mulets.
La colonne se met en route le 14 septembre, Légion en tête. Dès le lendemain l’avant-garde accroche les Hovas sur le plateau de Tsinainondry et, bien que les pièces de 80 de montagne ne soient pas encore arrivées, le bataillon se lance en avant, en dépit des obus Hovas ; il enlève la position.
Le 17 septembre, le régiment entreprend le franchissement des monts Ambohimenas (environ 1.500 mètres d’altitude), dont les cols sont défendus par de nombreux ouvrages, bien pourvus en artillerie. La Légion attaque de front, tandis que les autres bataillons effectuent des mouvements tournants, et force le passage. Déjà, la moitié du chemin est effectuée.
C’est maintenant le débouché dans les riches et fertiles plaines de l’Emyrne, qui doivent être défendues coûte que coûte par les troupes de Ranavalo. Les jours suivants, la première brigade se repose en seconde position, se laissant dépasser par la deuxième brigade maintenant en tête. Le régiment d’Algérie est cité à l’ordre, et plus particulièrement son premier bataillon… » qui a fait preuve de la solidité et du sang-froid qui fait de la Légion une troupe d’élite, en tirant au commandement à découvert, certaines sections debout, contre un ennemi retranché à trois cents mètres « .
Le 29 septembre, la colonne continue sa marche en direction de Tananarive, la première brigade en tête, effectuant un vaste mouvement tournant pour éviter les rizières difficiles à franchir. Dans la nuit du 29 au 30, les dispositions sont prises en vue de la phase terminale. Les 2e et 3e bataillons du régiment d’Algérie forment l’avant-garde, la Légion qui a donné sans interruption restant en soutien.
Trois crêtes rocheuses séparent la première brigade de Tananarive, dont les monuments se détachent sur la hauteur qu’occupe la ville. Des batteries s’étagent d’ailleurs sur tous les points dominants des alentours. Dès neuf heures du matin, le 3e bataillon franchit la première crête sous un feu nourri d’artillerie, tandis que des feux de flanc lui causent des pertes. Bientôt l’Observatoire est évacué par l’ennemi. Le 1er bataillon s’avance en direction de son objectif : le Palais de la Reine, tandis que le 2e bataillon se dirige sur la cathédrale.
Notre artillerie commence son bombardement à trois heures de l’après-midi, et les six colonnes d’assaut attendent l’ordre de s’ébranler en direction de leurs objectifs lorsque à quatre heures le pavillon royal est amené sur le Palais, et remplacé par un immense drapeau blanc.
Des parlementaires, portés en filanzane, se succèdent pour faire la soumission au général en chef.
A 4 h. 30, le général Metzinger, précédé d’une section du 2e bataillon, et d’un détachement du génie, suivi d’une compagnie du 1er bataillon avec le colonel et le drapeau du régiment d’Algérie, et d’une compagnie du 200e de Ligne (qui a entièrement fondu) se dirige vers la ville et y pénètre. Bientôt la 1ère compagnie de la Légion, avec le colonel et le drapeau pénètrent dans le Palais de la Reine, où le drapeau est déployé. En fin de journée, la Légion est relevée par l’Infanterie de Marine, et va bivouaquer hors les murs, près de l’hôpital anglais.
Les pertes de la journée, pour le régiment, sont de six tués et dix-neuf blessés, dont plusieurs grièvement.
Les jours suivants, les bivouacs s’améliorent ; les hommes trouvent en abondance volailles, porcs, légumes verts, » à des conditions fort raisonnables » ; une dinde ou une oie grasse valent quinze sous, les poulets, cinq. » Jamais, écrit le colonel, les cuisines de la troupe n’ont offert un aussi bel et joyeux aspect » ; seuls l’épicerie et le vin sont hors de prix.
Des reconnaissances rassemblent les nombreux canons, l’armement et les munitions abandonnés par les Hovas ; cet excellent matériel, en grande partie de provenance anglaise, aurait permis à une troupe aguerrie et solidement encadrée de tenir en échec notre corps expéditionnaire, épuisé par les efforts surhumains qu’il venait de fournir.
Le 16 octobre, l’état-major du régiment s’établit à Tananarive, dans l’ancien Consulat de France, avec les 2e et 3e bataillons, le bataillon de la Légion partant le 22 pour Majunga où s’embarquent sur 1′ » Hindoustan » les 16 officiers et 315 hommes de troupe qui lui restent. Ils arriveront le 27 décembre à Oran.
Rappelons que, renfort compris, le bataillon de la Légion a compte 25 officiers et 959 hommes de troupe.
La campagne pour laquelle le régiment d’Algérie avait été formé était terminée. Le 15 janvier, le général Duchène faisait ses adieux à la garnison de Tananarive. Le lendemain, à l’occasion de l’entrée solennelle du nouveau Résident M. Laroche, les troupes, placées sous le commandement du colonel Oudri, avec son drapeau et la nouba du 2e bataillon, hâtivement reconstitué, rendaient les honneurs.
Ce drapeau était le seul percé par les projectiles ennemis, le premier des drapeaux français ayant reçu le vrai baptême du feu depuis 1870.
Certes, la Légion n’avait pas eu l’occasion d’accomplir au cours de cette campagne les brillantes actions d’éclat qui lui sont coutumières.
Mais, toujours à l’avant-garde, elle avait témoigné aussi bien au cours de multiples engagements que dans les travaux gigantesques menés à bien, dans d’effroyables conditions matérielles et physiques, d’une volonté et d’une abnégation qui commandent l’admiration.
Son chef, le colonel Oudri, promu général de brigade en mars 1896, n’allait pas tarder à rentrer en action avec les deux bataillons de Tirailleurs et des détachements d’Haoussas, pour mettre fin à des mouvements insurrectionnels dans le sud-est de l’île. Il quittait à son tour Madagascar le 19 juillet, et prenait en octobre de la même année le commandement de la 3e Brigade d’Infanterie d’Algérie, retrouvant » ses » légionnaires. Il devait terminer une carrière militaire bien remplie, totalisant trente-six campagnes, en qualité de commandant du IVe Corps d’armée.
Dès août 1896, un bataillon de marche était formé par le 1er et le 2e Régiments Etrangers, pour renforcer nos troupes à Madagascar, et contribuer sous les ordres de Galliéni, à la pacification de l’île.
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