[size=33]« Je demande à avoir l’honneur de servir la Légion étrangère»[/size]
« Je demande à avoir l’honneur de servir la Légion étrangère». Voici, au moment du « grand amphi », la formule rituelle, la promesse de grandeur, que prononce le jeune Lieutenant lorsqu’il termine sa formation en Ecole d’Arme et choisit sa première affectation. Debout, face à ses cadres, le regard haut, il articule cette phrase qu’il s’est répété si souvent depuis son entrée en formation. Tout est dans la formulation « servir la Légion » et non pas « servir au xième régiment»… Le choix des mots est intentionnellement exigeant. Est sous-entendu qu’il faudra de la disponibilité, de la bienveillance, du courage bien sûr, mais aussi de l’ardeur. Il est fier de ne pas avoir renoncé à se frotter au difficile. Tout ça,le lieutenant le sait d’instinct. Il n’empêche, quelques questions restent en suspend…
L’officier qui entre à la Légion entend d’abord résonner le chant « l’amour du chef, l’obéissance, sont de plus pure tradition ». Il prend alors conscience que la confiance lui est donnée d’emblée, quelle que soit son origine. Saint-Cyrien, EMIA, OAEA, monté par le rang, le légionnaire ne regarde pas ce détail, il va à l’essentiel, il cherche le cœur et l’âme de son chef ! Car c’est bien cela qui est demandé, le reste est acquis dans les écoles de formation de l’armée de Terre : les cadres d’ordres, la formation à l’exercice de l’autorité, la tactique et l’éthique. La psychologie du légionnaire, ses motivations, ses qualités, son cafard, son statut, le lieutenant aura le temps de les distinguer dans son régiment. Entre ces deux temps, le légionnaire, lui, cherche immédiatement l’épaisseur de l’homme chez son lieutenant.
C’est donc bien l’homme qui fait l’ « officier de Légion ». L’homme et sa capacité à aimer ses légionnaires, à toujours trouver du temps pour chacun d’eux, à exiger, à être juste, à montrer l’exemple, à commander. L’homme avec son caractère trempé, ses failles, son engagement et ses valeurs. Ces valeurs doivent être celles dans lesquelles le légionnaire a également forgé son identité. Des valeurs de famille : fraternité, don de soi, esprit sacré de la mission, rusticité. Le lieutenant, ce n’est pas celui qui court le plus vite. C’est celui qui amène sa section complète au meilleur niveau d’endurance. Le Lieutenant, ce n’est pas celui qui tire le mieux, il y a des tireurs d’élite pour ça. C’est celui qui guide le feu, qui cadence la mitraille. Le lieutenant, ce n’est pas un chef de certitudes. C’est un homme de résilience, qui se relève, qui va de l’avant. Le lieutenant, ce n’est pas celui qui boit le plus ou qui parle le plus fort. C’est celui qui est là le soir de Noël, qui sort en ville et qui chante avec ses Légionnaires, qui trinque « à la santé de nos morts », qui reste digne dans ces moments. Le Lieutenant a le même âge que le légionnaire, le même idéal, les mêmes valeurs. Mais il a, en plus, choisi de porter la responsabilité de tout cela au plus haut niveau d’exigence.
[size=33]L’attitude, c’est ce qui tient l’âme ![/size]
Le lieutenant n’est pas seul, il y a les autres officiers. Il y a les compagnons d’armes, les camarades de promo, les aînés et les chefs. Derrière une attitude parfois rigide, des règles d’ancienne politesse, il y a là un type particulier d’officier de Légion. Leurs regards ne proposent aucun itinéraire de fuite mais incitent à affronter ses doutes et à les dépasser. Leurs traits sont creusés aux nuits de veille au grand air. Leur langage sans enluminure est celui des gens de guerre, ils parlent comme on donne des ordres : clair, précis, complet, direct et franc. Ils maintiennent le voussoiement comme une marque de respect autant qu’une marque de fabrique. L’attitude, c’est ce qui tient l’âme ! Et c'est l’âme des officiers qui a reçu la bonté que l’attitude ne montre pas. Et cette bonté, cette générosité, l’officier de Légion les donne sans compter à ses légionnaires, à ses camarades officiers, à ses frères d’armes.
Alors certains esprits chagrins demanderont : « et la popote des lieutenants, celle dont on parle dès l’école de formation, dès Coëtquidan ?». La popote ! Rien de folklorique, c’est un concentré de traditions distillé au moment du repas, selon un rituel bien établi. Il faut connaître l’origine et la provenance des souvenirs accrochés aux murs, se positionner par rapport à ses anciens, apprendre vite pour être rapidement à l’aise dans l’histoire du régiment et dans ses relations entre officiers. Le temps de la popote est le temps consacré à la formation du lieutenant dans le domaine des traditions de la Légion (chant, histoire, anecdote) et du régiment (opérations, anciens, etc.). Des rumeurs ont traîné sur cette popote, lui collant une aussi mauvaise réputation qu’une certaine presse aime à colporter sur la Légion. Persiflage de mauvaises personnes, assurément ! Au « mess des officiers » aujourd’hui, si on se saoule, c’est d’histoire de conquêtes ou de rapports d’opérations, qui ramènent au même désir de grandeur et de valeur.
[size=33]Ne laisser rien supposer qui ne soit pas vous ![/size]
Que dire de plus à un jeune lieutenant en 2017 ? Aujourd'hui comme hier, la Légion étrangère réclame engagement et enthousiasme, un regard franc, des convictions, et des os bien accrochés. Aujourd’hui encore, tout est possible si vous le voulez ! Si vous demandez à avoir l’honneur de servir la Légion étrangère, il faudra simplement tout donner ! Faites-le avec un esprit libre et ouvert, selon votre caractère, mais toujours avec abnégation. Ne laisser rien supposer qui ne soit pas vous ! Alors vos légionnaires vous le rendront au centuple. Et dans vos régiments vous trouverez, à vos côtés, des frères d’armes avec qui vous irez fréquenter le monde en ébullition et qui vous donneront en échange une Patrie dont ne connaissiez même pas les frontières.
Par le Lieutenant-colonel Jean-Philippe Bourban
rayonnement & patrimoine
commandement de la Légion étrangère