Le Directeur de l’Institution des Invalides de la Légion Etrangère à Puyloubier, déclare que parmi les pensionnaires, se trouvait un certain
Siegfried Freytag.Homme discret, ayant accepté la charge de gérer le magasin « habillement » qui consistait à ranger et donner aux pensionnaires les vêtements usagés, mais en bon état, que recevait régulièrement l’Institution.
Anecdotes:Au Foyer du légionnaire où nous nous retrouvions, se trouvait également et régulièrement le pensionnaire Robinson et nous ne manquions pas de faire allusion au roman de Daniel Defoe:
« Robinson Crusoé » après traduction du nom allemand de Freytag en Français: “Vendredi”.
Admiratif de Napoléon, FREYTAG lisait beaucoup, peut-être avait-il retenu dans ses lectures que l’Empereur buvait en dehors du vin: “Gevrais Chambertain”, du cognac à l’eau, il ne buvait pas d’autres boissons à l’apéro.
J’avais vis à vis de lui de nombreuses interrogations, curieux comme je suis.
Cependant, je me suis gardé de l’interroger sur son passé, je sentais bien que cet homme effacé vivait entouré de ses fantômes.
Cet excellent camarade devait voir la guerre autrement de là-haut ?
Freytag était à ses heures, un vrai gentleman qui aimait beaucoup discuter avec les Dames.
Il ne se séparait jamais, disait-il, d’une pierre “porte-bonheur” qu’il offrit à mon épouse qui la garde toujours avec elle (superstition oblige ?).
De par sa fonction au magasin d’habillement il avait sa place à la “Popote des Cadres”, cet homme simple préférait partager le repas des pensionnaires à la salle à manger de l’hémicycle.
La LuftwaffeEn 1938, Freytag s’engage dans la Luftwaffe, l’armée de l’air allemande.
Obergefreiter, il est engagé avec son unité sur le front polonais.
Nommé sous-officier-pilote en 1940, il obtient son baccalauréat, sésame pour embrasser une carrière d’officier.
Nommé lieutenant, Freytag est affecté au 2e groupe de chasse de l’escadre 77 et participe à la Campagne de Norvège.
À la fin de 1940, le pilote est transféré avec son escadrille à Brest – Guipavas pour relever les unités allemandes épuisées par la bataille d’Angleterre.
Le 24 avril 1941, alors qu’il sert dans les Balkans, Siegfried Freytag est abattu par la DCA alliée en Grèce.
Transporté dans un hôpital d’Athènes, il s’en évade et regagne son unité.
De retour à son escadrille, il participe en 1941 à l’Opération Barbarossa où il remporte victoire sur victoire contre l’aviation soviétique aux commandes de son Messerschmitt Bf 109 E.
En août, il affiche sa 12e victoire, en octobre la 19e, totalisant 26 avions abattus en novembre.
Freytag est alors décoré de l’Eisernes Kreuz de 1re classe.
Après une accalmie durant l’hiver, il reprend la lutte en 1942 et obtient de nouvelles victoires en vol.
Le 18 mai 1942, il reçoit « l’Ehrenpokal der Luftwaffe », coupe d’honneur réservée aux pilotes les plus méritants.
Le 26 juin 1942, il est promu Staffelkapitän et prend le commandement de la 1re escadrille de chasse de son escadre.
Il totalise alors 57 victoires et reçoit la Ritterkreuz des Eisernen Kreuzes le 3 juillet 1942.
En juillet, son escadre rejoint la Sicile pour le front de la Méditerranée.
Il est abattu au large de La Valette le 27 juillet 1942, mais il est récupéré par une vedette, à la barbe des Britanniques.
Il termine la campagne de Malte avec 78 victoires et y gagne son surnom :
Der Löwe von Malta, le « Lion de Malte ».
En octobre 1942, il est envoyé sur le front d’Afrique du Nord avec son groupe de chasse où il enregistre encore des victoires.
Le 25 janvier 1943, il reçoit la « Deutsches Kreuz im Gold », distinction attribuée pour des actes de bravoure exceptionnels.
Le 13 février 1943, il affiche 90 victoires à son palmarès, Siegfried Freytag est promu Hauptmann et prend le commandement du 2e groupe de chasse.
Après la défaite des troupes allemandes en Afrique du Nord, son groupe rejoint Trapani en Sicile.
Le Feldmarschall Goering ayant demandé la traduction devant un tribunal d’un homme par escadrille pour « avoir failli contre les bombardiers alliés », Freytag se porte volontaire.
Comme ses camarades, il est traduit devant les juridictions militaires, mais tous seront relaxés.
Le 12 juillet 1943, il est abattu, mais parvient encore à rejoindre son unité.
Le 24 août, Freytag quitte le front Italien pour bénéficier d’un congé médical en Allemagne.
En janvier 1944, son groupe est basée à Aix-en-Provence pour opérer en Italie du Nord.
Le 29 janvier 1944, Freytag est blessé au cours d’une attaque au sol de bombardiers américains.
Le 13 juin 1944 Freytag, promu Major, commandant, fête sa 100e victoire officielle.
En août 1944, son groupe stationne un temps sur la base d’Orange, en vue de s’opposer à un débarquement des Alliés, puis gagne l’Italie, qui est définitivement abandonnée
par l’Allemagne le 9 septembre 1944.
Le groupe est envoyée sur le front des Pays-Bas, où il participe à la bataille d’Arnhem.
Le Major Freytag commande alors l’escadre 77, par intérim, à l’âge de 25 ans.
En janvier 1945, Freytag prend part à l’Opération Bodenplatte visant les aérodromes alliés.
Il remporte alors sa 102e et dernière victoire.
Son escadre est envoyée en Tchécoslovaquie.
En mars 1945, il prend officiellement le commandement de son escadre, mais pour quelques jours seulement, car il est rapidement envoyé commander l’escadre de chasse 51.
Le 30 avril 1945, il débute sa formation de pilote sur le tout nouveau chasseur à réaction Messerschmitt Me 262.
Selon le livre sur les chevaliers de la croix de fer de la Luftwaffe,il a été proposé pour recevoir les feuilles de chêne (Eichenlaub) puis on perd sa trace après guerre.
On ne sait en effet pas grand chose de la vie de Siegfried Freytag après-guerre, mis à part ce qu’il a lui-même déclaré.
Capturé près de Ratisbonne par les troupes américaines, il est employé en qualité d’interprète.
Libéré, il se retrouve sans emploi et sans famille.
Un de ses frères a été tué en 1944 en URSS, sa sœur et le reste de sa famille ont disparu dans le naufrage du Wilhelm Gustloff torpillé par les soviétiques.
Les biens familiaux ayant été confisqués par les Polonais, il devient successivement mineur puis technicien.
On a même avancé qu’il avait été chauffeur de taxi à Francfort-sur-le-main.
Le retour à la vie civile est donc pour lui un véritable choc et se révèle particulièrement difficile.
La Légion étrangèreEn 1952, Siegfried Freytag s’engage dans la Légion étrangère croyant qu’on y recrute des pilotes.
C’est du moins la version officielle, une rumeur faisant état d’une rixe qui aurait mal tourné.
Affecté au 5e régiment étranger d’infanterie après son instruction de base à Sidi-bel-Abbès, en Indochine puis à la 13e demi brigade de Légion étrangère au sein de laquelle il sert à Djibouti.
Nommé sergent en 1962, il est, à sa demande, rétrogradé caporal-chef puis sert au 1er régiment étranger de 1965 à 1970 date à laquelle il quitte le service actif.
Il se retire alors à l’Institution des invalides de la Légion étrangère à Puyloubier sans rien dire de son passé.
Il obtient cependant une pension du fonds social des anciens pilotes de chasse allemands, des légionnaires d’origine allemande, également retraités à Puyloubier, ayant fait état dans leur correspondance de la présence à leurs côtés d’un ancien as de la chasse.
Le 5 juin 2003, l’homme aux 102 victoires est enterré avec les honneurs militaires au carré Légion du cimetière de la ville de Puyloubier.
En plus des honneurs militaires dus à un ancien légionnaire, le directeur de l’institution s’est adressé au défunt en lui disant : « Mon commandant, votre passé glorieux dans l’aviation allemande ne sera pas oublié ».
Sur le coussin des décorations, en plus des décorations françaises, figurait la Ritterkreuz.
Le Pilote qui devint légionnaire“Dans la grande hécatombe de la guerre, certains hommes deviennent un jour des héros.
Mais le destin extraordinaire d’un héros qui a fait le choix de redevenir un homme comme les autres: un simple soldat.
Cet as de la chasse allemande, auréolé de 102 victoires a combattu sur tous les fronts de l’Est, et a continué sa lutte à Malte, en Afrique du Nord puis en Allemagne.
Il a lui-même été abattu à deux reprises en 1942 et 1943.
Il obtient sa dernière victoire le 1er janvier 1945 avant de devenir commandant de l’escadre JG77,jusqu’a la chute du Reich.
En rentrant chez lui, Siegfried Freytag a tout perdu:
sa famille et ses amis ne sont plus que le souvenir d’une vie enfouie à tout jamais.
Que se passe-t-il dans l’esprit de cet homme qui troque le serre-tête de pilote d’élite pour le képi blanc du légionnaire ?
Ce n’est pas un passé trouble qu’il fuit comme beaucoup de ses compatriotes,
la Légion est un dernier refuge pour cet homme que la société effraie.
C’est ainsi que Siegfried Freytag ancien ennemi de la France, devient simple fantassin en 1946, et part combattre en Indochine.
Très discret, il ne fait jamais mention de son passé d’as de la Luftwaffe, et refusa de monter en grade, c’est un soldat fatigué qui décide en 1970 de finir sa vie dans l’anonymat à l’Institution des Invalides de la Légion Etrangère.
Il s’en est allé pour toujours le 1er juin 2003 à l’âge de 84 ans. Quelques jours plus tard au cimetière de Puyloubier, un officier supérieur de l’actuelle Luftwaffe est venu le saluer une dernière fois.”Institution des Invalides de la Légion Etrangère à Puyloubier