Camerone 2019 : La Légion étrangère met le colonel Loïc Corbel et « l’esprit de sacrifice » à l’honneur
par Laurent Lagneau · 30 avril 2019
Le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Jean-Pierre Bosser, ne cesse de mettre en avant « l’esprit guerrier », c’est à dire ce « supplément d’âme » qui fait que l’on gagne des batailles. Et pour cela, il faut, explique-t-il, « développer chez chacun l’intelligence de situation, l’audace, la rusticité, la détermination nécessaire pour comprendre plus vite, agir plus fort et durer plus longtemps. »
La Légion étrangère va encore plus loin. En effet, à l’occasion du 156e anniversaire du combat de Camerone, son commandant [COMLE], le général Denis Mistral, a souhaité mettre à l’honneur « l’esprit de sacrifice », lequel a deux dimensions.
Il y a d’abord, explique-t-il, le « sacrifice au quotidien », qui est une « privation que l’on s’impose volontairement ou que l’on est forcé de subir, soit en vue d’un bien ou d’un intérêt supérieur, soit par amour pour quelque chose ou quelqu’un ». Et puis il y a le « sacrifice suprême », qui consiste à donner sa vie pour les autres et/ou une « idée ».
« L’homme est quelque chose qui vaut la peine d’être dépassé et le dépassement suprême, c’est de risquer sa vie pour quelque chose que l’on croit supérieur à soi-même, et c’est là où l’on trouve le mystère de la guerre et de ces hommes qui font de leur mort l’accomplissement de toute une vie », a ainsi résumé le
Pour ce dernier, « la Légion étrangère, par ses valeurs, ses traditions, son histoire, l’hommage qu’elle rend à ses morts et l’assurance qu’elle donne de ne jamais les oublier, offre un cadre exceptionnel à cet esprit de sacrifice. Magnifié ainsi, il s’impose à tous et sans jamais éluder la terrible question de la mort, rassure, exalte l’engagement et permet d’espérer. »
Mais pour les chefs, cet esprit de sacrifice oblige. « Au combat, le le chef, qui commande à des hommes animés de l’esprit de sacrifice, a l’impérieux devoir d’honorer ce don de soi en mettant tout en oeuvre pour concevoir une manœuvre épargnant leur vie autant que faire se peut. Au don de soi absolu de ses hommes, qui autorise tous les courages et tous les héroïsmes, le chef doit répondre par le don absolu de sollicitude, qui noue toute confiance », fait valoir le général Mistral.
Sans doute que le colonel Loïc Corbel illustre cet esprit de sacrifice que le COMLE veut mettre en avant. Désigné pour porter la main du capitaine Danjou, qui commandait les légionnaires lors du combat de Camerone, cet officier aura eu parcours exemplaire.
Né le 4 juillet 1928 à Rennes, Loïc Corbel a juste 20 ans quand il s’engage au titre de l’École spéciale militaire interarmes. Ayant choisi de servir dans l’infanterie, il est nommé sous-lieutenant en octobre 1950, puis affecté au 27e Régiment d’Infanterie, alors implanté à Dijon. Il n’y restera pas longtemps car, quelques mois plus tard, il se déclare volontaire pour rejoindre la Légion étrangère, qu’il rejoint à Sidi Bel-Abbès, en août 1952. Puis il part au Tonkin, où il est affecté au 1er bataillon du 2e Régiment étranger d’infanterie [REI].
Le jeune officier ne tarde pas à s’illustrer. Le 2 novembre 1952, à la tête d’un détachement de premier échelon, il contraint le Vietminh à un retrait précipité, libérant ainsi un important point de passage pour le reste des troupes française à Ninh Gieng. Cela lui vaut une citation à l’ordre de l’armée avec attribution de la croix de Guerre des Théâtres d’opérations extérieures avec palme.
Le mois suivant, à Hung-My, avec ses légionnaires, il met en échec une violente attaque en infligeant de lourdes pertes à l’ennemi, qui laissera derrière lui l’armement complet d’une section. Puis, en 1953, le lieutenant Corbel sera blessé à deux reprises, la première fois lors de la prise du village de Dao Xa, la seconde au cours d’un assaut près de Dong Xa. « Modèle de courage et d’abnégation, il est de nouveau cité avec palme » et la Légion d’Honneur lui sera attribuée le 19 avril 1954.
Bien qu’inapte temporairement à servir en raison des blessures qu’il a reçues, l’officier se porte volontaire pour « sauter » sur Dien Bien Phu alors qu’il n’a pas le brevet de parachutiste. La raison l’emporte finalement et il est alors désigné pour être l’aide camp du général commandant la 2e Division militaire du Tonkin. Il se distingue à nouvean en juillet 1954, lors des des opérations de désengagements du saillant de Luc-Nam.
L’affaire indochinoise terminée après les accords de Genève, le lieutenant Corbel prend le commandement de la 6e compagnie de 2e REI. En 1956, son régiment envoyé en Algérie, il va de nouveau s’illustrer lors d’une série d’actions contre les rebelles, à l’image de celles conduites en avril 1957. Lors combats de Krouadi et du djebel Bes Seba, les légionnaires du lieutenant Corbel infligent des pertes sévères aux fellaghas, lesquels laissent sur le terrain 24 tués, 6 prisonniers, 33 armes de guerres et d’importants documents.
Promu capitaine le 1er octobre 1957, Loïc Corbel est alors décrit comme étant un officier ayant « un sens tactique développé et un courage exemplaire. » Jusqu’en juillet 1959, il enchaîne les opérations contre les fellaghas, ce qui lui vaut d’être blessé une nouvelle fois au combat… mais aussi plusieurs citations.
Puis, le capitaine Corbel quitte l’Algérie pour rejoindre le Bataillon de Légion étrangère, alors installé à Madagascar, en qualité d’officier sécurité et de chef du bureau opération. Et, en octobre 1961, à Djibouti, il prend le commandement de la 2e compagnie de la Bataillon de marche de la 13e Demi-brigade de Légion étrangère. Unité qu’il retrouvera en 1970 pour en devenir le commandant en second, après plusieurs affectations en métropole.
Nommé en lieutenant-colonel en avril 1972, il est affecté à la Direction du personnel militaire de l’armée de Terre [DPMAT]. Homme d’action dans l’âme ne pouvant qu’espérer des postes en état-major, Loïc Corbet quitte le service actif en octobre 1974 pour entamer une carrière dans le civil, où s’impliquera dans la commercialisation d’équipements militaires pour le compte de grandes entreprises françaises, dont Berlin et Renault véhicules industriels [« ancêtre » d’Arquus, ndlr]. Humble, il estime qu’il n’a fait que servir son pays « au mieux, souvent à grands risques ».