Heureux comme un légionnaire en Corse
Par Antoine Albertini
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Publié le 28 décembre 2018 à 14h59 - Mis à jour le 30 décembre 2018 à 04h04
De nombreux ex-légionnaires ont posé définitivement leur barda sur l’Île de Beauté et sont devenus plus corses que les Corses eux-mêmes. Une greffe qui a fini par prendre, même si la cohabitation avec les insulaires n’allait pas toujours de soi.
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Un beau jour, lassés du baroud ou d’un nom qui n’était pas le leur, ils ont rangé leur képi blanc au fond d’une armoire, déposé dans une cantine cabossée leurs médailles et leurs rêves déçus et se sont installés en Corse, leur dernière patrie après tant d’autres.
Colosses mutiques ou musculeux nabots au crâne rasé, Tchèques tatoués, anciens dockers de Yokohama ou natifs de Meudon, patronymes imprononçables, accents des antipodes mâtinés d’argot de caserne, mercenaires repentis, Suisses de contrebande ou moines défroqués : combien sont-ils, ces anciens légionnaires établis à demeure, de Bonifacio à Bastia, depuis cinquante ans que l’île cohabite avec la Légion ?
Un régiment mythique, depuis 1967, à Calvi
« Rien qu’en Balagne, plusieurs dizaines, de tous les âges », estime l’un d’entre eux. Dans le nord-ouest de l’île, cette région parmi les plus belles de Corse abrite depuis 1967, à Calvi, le camp Raffalli, cantonnement du prestigieux 2
e régiment étranger de parachutistes (REP), la crème de la crème, seule unité aéroportée de la Légion – un mythe forgé de Dien Bien Phu au Sahel en passant par Kolwezi, le Congo-Brazzaville ou l’Afghanistan.
C’est autour de ce foyer que la plupart ont refait leur vie, souvent dans les villages alentour : Lumio, Monticello, Olmi-Cappella ou Moncale, où les avaient précédés quelques anciens. Rien qui aille de soi, dans une Corse capable de rejeter comme une mauvaise greffe un corps étranger, à plus forte raison celui de soldats à la trouble réputation – une
« troupe rude et sans pédanterie », tentait déjà, à la fin du XIX
e siècle, d’euphémiser le capitaine de Borelli dans
A mes hommes qui sont morts, fameux poème aux accents parnassiens composé après la conquête de l’Indochine.