Sergent-major BURGENS, né Comte de BROCA, alias BROQUA ou Max BONNAFOUS, matricule 26384.Dignitaire de Vichy, Légionnaire, majordome ;
un singulier personnage !
A Phu Tong Hoa et plus tard à Dong Khé, les légionnaires furent admirables de vaillance et de combativité. Dans l’histoire de l’Indochine, il subsiste un nombre incroyable de faits d’armes d’un invraisemblable héroïsme, prouesses réalisées par des soldats hors normes.
Parmi les 1750 hommes du 3éme REI, citons le sergent-major BURGENS, de la 4éme compagnie du capitaine Antoine MATTEI. En décembre 1947, cette compagnie se trouve sur le piton de Ban Cao. Le capitaine a comme adjoint un légionnaire singulier, le sergent-major BURGENS.
L’homme en quête de virginité s’était engagé dans la Légion étrangère en 1945 pour sauver sa peau, car la justice expéditive de l’après-guerre l’avait condamné à mort par contumace. De son vrai nom Hervé de BROCA, né le 17 juillet 1894 à Tavernay en Saône-et-Loire, il avait été dignitaire de Vichy.
Engagé sous le nom de BURGENS, il se fera appeler aussi Max BONNAFOUS .Il tentait de se disculper et disait s’être fait légionnaire uniquement pour l’honneur. Il possédait une belle fortune en Suisse et aurait pu disparaître comme bien d’autres.
BURGENS avait un sens aigu de l’organisation. Ancien élève de l’Ecole Normale supérieure, il était avant la guerre attaché au cabinet d’ Edouard HERRIOT, député et ancien ministre.
Après l’armistice de 1940, il est promu dans le Ministère REYNAUD, sous-secrétaire d’ Etat auprès du Maréchal PETAIN, qu’il vénère. Il aime l’argent et les affaires lucratives. Celles qu’il fera avec les Allemands seront condamnables. A la Libération, il est poursuivi et condamné à mort par contumace, car il est en fuite.
On le retrouve 7 ans plus tard sur la RC 3, sur le piton de Ban Cao. Ce n’est pas un couard. Il est décoré et apprécié. Il s’est battu courageusement sous les ordres du capitaine MATTEI. Conquis par l’érudition et la débrouillardise de l’homme, il lui confiât la comptabilité de la compagnie. Dans ce rôle d’adjoint il est respecté de tous. BURGENS excelle en tout.
Une anecdote cocasse entoure le personnage : Des légionnaires avaient mis le feu à un village susceptible de renseigner le Vietminh. Le chef de Corps demanda un rapport au capitaine MATTEI, qui chargera BURGENS de le rédiger. Extirpant du code militaire des bribes d’instructions et des renvois de règlement, son rapport, écrit en double exemplaire, l’un en français et l’autre en latin, fut d’une telle ambiguïté qu’il devint incompréhensible et la conclusion fut très favorable au capitaine.
Versé à l’Etat-Major du Colonel CONSTANS, chef de Corps du 3éme REI, à Lang Son, il devint son majordome. CONSTANS s’est entouré d’une « garde prétorienne » composée de légionnaires de plus de 1,90 mètre. Le sergent-major BURGENS est au paradis, il se surpasse dans l’organisation des réceptions, libations et soupers festifs donnés par ce colonel grandiloquent. CONSTANS, qui avait le gout du faste, n’était pas ce que nous appelons dans la Légion « un chef de guerre ». Sujet à des vertiges en avion, on ne le vit guère survoler en Morane, « appelé le criquet », les troupes au sol. (Témoignage de Ralph BUTLER, officier de renseignements du 1er BEP : « Etat de service du colonel CONSTANS »)
Le cas de BROCA est exceptionnel. En lui, on trouve la page sombre de Vichy, le rachat par l’engagement à la Légion étrangère, puis ordonnateur de fêtes dans un pays en guerre.
Il mourut de maladie le 25 juillet 1951 à l’hôpital de Nam Dinh.