Editorial du COM.LE du Képi blanc N° 724
L'été 2010 marquera pour la Légion étrangère le terme d'une année au cours de laquelle ses unités ont été engagées de manière significative sur le théâtre afghan. C'est le moment de dresser un premier bilan et de tirer quelques enseignements pour notre communauté.
On l'a dit à maintes reprises : ce théâtre se distingue des engagements que nos formations ont vécus au cours des vingt dernières années, en particulier en Afrique : les combats y sont plus fréquents et plus rudes, les pertes subies y sont plus sévères. La Légion renoue, d'une certaine manière, avec ce qu'elle avait connu en Algérie.
Le premier enseignement touche à la préparation opérationnelle. Elle doit être particulièrement soignée, dans la perspective d'opérations plus complexes au cours desquelles les fautes techniques ou tactiques se matérialiseront par des blessés et des morts. Notre entraînement doit être conduit avec toujours plus de réalisme, dans des conditions difficiles et en terrain exigeant, dans un environnement proche de celui des montagnes afghanes. Les déplacements dans un relief accidenté, le combat à pied, la manoeuvre sous le feu et le tir "à tuer" doivent demeurer les fondamentaux de notre instruction.
Au-delà de ces capacités techniques et de ces savoir-faire tactiques à entretenir, l'excellence et l'exigence sont les attitudes légionnaires qui seules permettent de hisser notre niveau de préparation à hauteur des enjeux opérationnels qui nous attendent. Enfin, la maîtrise de soi demeure la marque des troupes solides et fiables. Elle consiste à savoir contrôler sa force en toutes circonstances pour être en mesure de ne l'utiliser que dans les cas extrêmes, lorsque le chef décide qu'il n'y a pas d'autre solution. Elle
se traduit en particulier par une discipline de feu rigoureuse. Elle permet de ne jamais subir une situation, et de préserver sa liberté d'action. Cette maîtrise doit être à la fois individuelle et collective. Elle est inscrite dans la tradition légionnaire et a fait notre réputation au feu : il faut continuer à la cultiver avec soin car elle est garante de notre efficacité au combat.
Le second enseignement concerne notre préparation individuelle, notre système de formation et, plus largement, notre gestion des ressources humaines. La capacité opérationnelle de nos unités repose en effet aussi sur la valeur individuelle de chacun de ses cadres, combattants et spécialistes déployés en opérations.
La sélection de nos candidats au recrutement et la formation initiale doivent continuer à être conduites en vue de la constitution d'une formation combattante. Elles doivent donc privilégier la solidité, la rusticité, l'équilibre psychologique, la stabilité émotionnelle et l'endurance.
L'acquisition de savoir-faire individuels et les stages doivent rester une priorité du commandement dans le but de disposer de légionnaires polyvalents, aptes à la fois à des emplois de combattants et de spécialistes. Le domaine "santé" doit continuer à faire l'objet d'un effort tout particulier, la rapidité et la qualité des premiers soins apportés à un blessé étant souvent déterminantes.La formation des cadres doit plus que jamais être axée sur les responsabilités en situation opérationnelle, avec tout ce que cela sous-tend : intelligence de situation, adaptabilité, capacité d'initiative, aptitude à la prise de décision, formulation d'ordres clairs et acquisition d'un référentiel éthique solide.
Le dernier enseignement à tirer a trait au soutien en métropole et en garnison. Il relève de la solidarité légionnaire, en se souvenant toujours que nous avons affaire à des hommes déracinés qui devront être accompagnés en cas de détresse. Notre code d'honneur le dit : "nous n'abandonnons pas nos morts et nos blessés". La mission d'accueil et de suivi des blessés soignés dans les hôpitaux parisiens confiée à notre Groupement de recrutement (GRLE) est primordiale. L'aide matérielle susceptible d'être apportée par le Foyer d'entraide de la Légion étrangère aux légionnaires et à leurs familles doit être systématiquement envisagée. L'Institution
des invalides de Puyloubier est en mesure d'accueillir ceux qui ont besoin de se reconstruire physiquement, puis moralement, après des épreuves.
Les bases arrière de nos régiments ont un rôle déterminant à jouer pour entourer et rassurer les familles, elles aussi étrangères, car les structures d'accueil du corps constituent bien souvent le seul point de contact auquel elles peuvent se raccrocher.
Au-delà d'une simple action sociale, c'est un réflexe de cohésion et de solidarité au sein de la communauté légionnaire qui doit continuer à opérer et ainsi dépasser les égoïsmes de notre temps.
Ces trois enseignements sont à considérer comme des objectifs essentiels car ils conditionnent, en amont et en aval des engagements, l'efficacité opérationnelle de notre système d'hommes.
Bonne lecture à tous
Général de brigade Alain BOUQUIN
Date : 01-09-2010 |
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