Prix: Décès de Michel de La Bigne . SOURCE / FSALE
Michel de La Bigne, lieutenant au 1er REP, est décédé le 24 mars à
Levallois-Perret. Ignorant la mort de son mari, son épouse, née Hélène de
Bejarry, alors en maison de repos, le rejoignait deux jours plus tard... Ils se
sont retrouvés le 1er avril, en l’église saint Donatien de Nantes où leurs
obsèques ont été célébrées en présence de leur famille, du président Vaneslandt,
d'une délégation de l'amicale de Loire atlantique et de son drapeau, ainsi que
de très nombreux amis.
A l'issue de la messe de funérailles, le frère aîné du défunt à prononcé un
éloge funèbre :
Mon cher Michel,
Lorsque tu as été baptisé en mai 1930, peut-être l’archange a-t-il oublié dans ton berceau son épée et l’une de ses ailes. Je ne me rappelle pas, j’avais trois ans.
Peut-être aussi l’atmosphère guerrière dans laquelle le monde fut plongé, dix ans après, - explique-t-elle la surprise de notre père, en 1942, découvrant dans l’armoire de ta chambre, une rangée d’obus de bon calibre, verticalement disposés, en parfait ordre de taille, après prélèvement nocturne sur les réserves de l’armée d’occupation,
- explique-t-elle aussi pourquoi tu avais disposé un engin explosif, sous le paillasson du Préfet des Etudes, de ton collège Saint Michel (bien sûr) à Bruxelles. Grâce au ciel, les deux purent être récupérés intacts, en temps voulu.
A la libération de Bruxelles, tu avais convaincu un sympathique pilote anglais de t’emmener, malgré tes 14 ans, dans sa mission d’observation au-dessus d’Anvers toujours occupée. Tu avais été enthousiasmé par les flocons de DCA qui vous entouraient.
Cela n’a donc pas étonné nos parents de t’entendre réclamer une orientation vers Saint-Cyr. Notre frère Henri, lieutenant au 3ème étranger, camarade d’Hélie de Saint Marc, était tombé au Tonkin en 1950. Deux autres de nos frères, Stéphen et Bertrand, se trouvaient encore en Indochine.
Ils ont eu le courage de dire oui, et, après quelque temps de préparation à Ginette, tu es entré à Coët en 1952.
Le Général Clarke de Dromantin, actuel secrétaire de la promotion « Union Française », a eu l’aimable attention d’évoquer pour moi, il y a quelques jours au téléphone, les souvenirs qu’il partageait avec son ancien « colonel des gardes ».
Merci tout spécialement à tes camarades de promotion qui ont tenu à venir ici aujourd’hui, te témoigner la fidélité de leur souvenir et de leur amitié.
Après l’école d’application à Saint Maixent, un passage en Tunisie t’a permis de gagner un régiment de chasseurs alpins et une blessure. Affecté par la suite en Algérie, en janvier 1956, tu rejoins à Zeralda le 1er régiment étranger de Parachutistes (le 1er REP).
Les opérations sont fréquentes. De tes trois citations, j’ai retenu surtout celle du « jeune chef de section, ardent et manœuvrier dont le courage au feu est un magnifique exemple pour ses légionnaires ». C’est un grand honneur que d’avoir l’estime de ses légionnaires ! Leur fidélité est aussi proverbiale et je remercie bien vivement ceux qui ont voulu que soit présent ici…le drapeau de la Légion, venu dire adieu à l’un des leurs.
« Honneur et Fidélité ».
Breveté officier de parachutiste à Pau, comment t’y es tu pris pour passer entre temps un brevet d’homme-grenouille, nageur de combat ? Je n’ai pas retrouvé le fil conducteur.
A l’été 1958, tu retrouves à Alger, ton plus jeune frère, Jean-Guillaume, fraîchement émoulu sous-lieutenant de la promotion Franchet d’Esperey. Il avait aussi ton caractère ardent et courageux.
Ce fut le 11 août qu’il fut tué dans les Aurès en enlevant à l’assaut un abri rebelle. Le deuxième grand choc pour nous tous.
Puis le 1er REP fit parler de lui…que dirais-je de la suite ? De l’amertume – c’est le moindre mot – d’officiers amenés quelques années auparavant à abandonner le combat qu’on leur avait demandé de mener d’Hanoï à Saïgon et d’abandonner aussi ceux qui, sur place, les avaient soutenus. A nouveau et bien qu’ils se trouvent cette fois-ci en position favorable, on leur prescrivait d’abandonner, sans garantie véritable, un million de leurs compatriotes et ceux qui, sur place, les entouraient ou les soutenaient.
Honneur et Fidélité…
Tu ne t’es pas désolidarisé (et même un peu plus m’a-t-on dit) des officiers de ton régiment, de ton colonel, d’Hélie de Saint Marc et de beaucoup d’autres.
C’est à Melilla que je t’ai retrouvé, grâce à la grande bienveillance d’une famille espagnole, amie de ta femme et à ses relations choisies !
Tu te plaignais, je me souviens, de ta « chambre d’hôtel » bien étroite et de la présence continue de deux concierges un peu trop proches. Le long entretien, intéressant, complet et chaleureux que voulut bien m’accorder le général commandant la place, permit ta sortie à l’air libre. Merci aux Vallelado !
A Madrid où nous résidions et où ta famille avait pu te rejoindre, j’ai eu l’impression qu’une bonne partie de l’Etat Major de ton régiment avait organisé une nouvelle implantation.
Après quelques années de Castille, une sorte d’amnistie t’a permis de retrouver Paris, les tiens et tes amis. Mais tu n’avais pas perdu en chemin ton goût pour l’aventure.
L’Afghanistan de l’époque, déjà en vedette, a absorbé bonne partie de ton temps, et élargi le champ de tes relations et de tes activités exotiques.
Pourquoi t’a-t-on retrouvé un jour à l’hôpital militaire de Percy dans un état plutôt comateux ? Quelque mauvais breuvage offert, m’as-tu dit plus tard…Ton hospitalisation au Val de Grâce eut lieu avec un pronostic bien sombre. La qualité des cardiologues te tira d’affaire de façon inespérée.
Transposé dans la vie civile, ce goût de l’aventure fut aussi, peu facile à contenter avec succès :
· le brevet de logistique ne fait pas nécessairement partie de l’enseignement dispensé à Pau.
· Il n’est pas, non plus, toujours sûr que les partenaires rencontrés aient été formés au séminaire diocésain.
Heureusement t’étais-tu réservé quelques activités de loisirs, comme celle d’encadrer un équipage de délinquants, qu’un remarquable prêtre, le Père Jaouen, tentait de remettre sur le bon cap, en les emmenant en mer pour des croisières musclées ! Tu avais pour lui une grande admiration et nous aurions souhaité qu’il soit ici aujourd’hui. On m’a dit qu’il ne rentrerait de croisière qu’après le 3 avril. Il a 85 ans.
Les eaux ! Une de tes dernières passions. Certes, tes qualités de sourcier ne permettaient pas de monter automatiquement une usine d’embouteillage, comme tu l’escomptais un peu, dans les premiers temps. Le forage se révélait entre autres, un point de passage obligé.
Cela n’a pas empêché, qu’il y a quinze jours exactement, je te remettais un papier nécessaire à l’établissement de ton passeport pour le Togo et le Bénin, où t’attendait une mission, là-bas bien utile, de recherche d’eau confiée à une société outillée en conséquence.
Et pendant ce temps-là, pendant ces temps d’éclipses successives, rapprochées, ininterrompues, Hélène veillait, ne pouvait que veiller aux enfants qui, depuis Alger et Madrid, s’étaient échelonnés à votre foyer.
Tu m’as dit à plusieurs reprises, la reconnaissance que tu devais à ta femme pour la façon dont elle élevait tes enfants. Ils sont là !
Cet après-midi, le Dieu qui comprend, Dieu le fidèle, Dieu le miséricordieux, vous a réunis tous les deux, sans que vous le sachiez et vos enfants sont là ! Il ne dit rien, Il montre… simplement.
Voilà Michel, tu es entré maintenant dans la grande aventure de Dieu, celle qui réussit toujours.
Je t’embrasse.
Olivier